Klara Kristalova est une conteuse qui se sert de la sculpture pour construire des mondes miniatures où quelque chose d’étrange vient d’arriver ou s’apprête à advenir. Elle s’inscrit en cela dans une tradition de plusieurs siècles. Elle appartient à la génération d’artistes qui ont fait leurs études supérieures à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand les bases de l’art moderne étaient profondément remises en cause. Cependant, ses œuvres ne procèdent pas d’une rebellion programmatique. Cela s’explique en partie par son ascendance, puisqu’elle est la fille de Eugen Krajcik, artiste tchèque en exil dont l’attitude à l’égard des conventions de l’art moderne est tout sauf dogmatique. Cela s’explique surtout par l’ambition sans faille de Klara Kristalova : que l’art revienne à plus de modestie.
L’artiste se tient à l’écart de la réthorique esthétique pour se consacrer aux petites histoires, aux rêves et aux cauchemars dont la vie quotidienne est pétrie. Elle est attirée par la part invisible de l’existence, un pays où les espoirs prennent forme, les névroses s’épanouissent et les souvenirs se métamorphosent. D’où l’étrangeté un peu dérangeante de ses œuvres. Car, après tout, qui diable apprécie de se retrouver face à ses démons intérieurs devenus palpables ?
Klara Kristalova procède de façon très « psychologique ». Elle choisit des matériaux (plâtre, bronze, bois, céramique) et des proportions associés aux arts décoratifs traditionnels et donc à des cadres radicalement différents du cube blanc. Elle nous oblige ainsi à communiquer étroitement avec les œuvres, elle nous empêche de nous replier sur nous-mêmes car le sens de ses créations nous envahit. Le sens, voilà ce qu’elle essaie de transmettre dans son travail. Il ne s’agit pas de présenter une idée préfabriquée de la vie mais de faire en sorte que la nature ambiguë de ce qu’on voit devienne une ressource, un point de départ. Ainsi ce mur dans lequel est incorporé, entre les pierres, un visage d’homme scrutant les alentours ; ou ces deux hérissons en bronze engagés dans un rapport étrange, l’un étendu sans défense sur le dos, l’autre debout, sans doute coupable : en tant qu’œuvres d’art, ces pièces sont peut-être neutres mais en aucun cas insignifiantes.
"Le hérisson significatif" - Anders Olofsson