Douleur exquise, Il y a 28 jours | Sophie CALLE (1984-2003) | PERROTIN

  • artistes
  • expositions & foires
  • Médias
  • à propos
  • contact
  • store
  • newsletter /
  • press room /
  • légal /
  • crédits /
  • Fr
  • En
  • 中文
  • suivez nous
  • newsletter press room
  • Fr
  • En
  • 中文
back

Sophie CALLE

Douleur exquise, Il y a 28 jours, 1984-2003

Deux photographies, deux broderies, lin, aluminium, encadrements

Global | Overall : 191.7 x 139 cm | 75 x 55 inch
Chaque photographie | Each photography : 48 x 60 cm | 19 x 23 1/2 inch
Chaque broderie | Each embroidery : 120 x 60 cm | 47 1/4 x 23 1/2 inch

Courtesy Perrotin

partager infos artiste

photographie : CLAIRE DORN

Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_

Artist's studio

Traduction du texte en français 



Texte gris


Il y a 28 jours, l'homme que j'aime m'a quitté. Cela faisait 3 mois que j'attendais ce jour. Nous étions le 25 janvier 1985. Je me trouvais dans la chambre 261 de l'Hotel Imperial à New Delhi. Une chambre spacieuse avec une moquette grise mangée aux mites, un papier peint dans les tonts bleus, deux lits jumeaux. J'étais assise sur celui de droite et je tenais entre les mains le télégramme qui m'enjoignait d'appeler mon père, M. ayant eu un accident. J'avais quitté la France 92 jours plus tôt et nous devions nous retrouver, la vieille, à l'aéroport de New Delhi. Il arrivait de Paris, moi de Tokyo. Jusqu'à ce message. Des heures à imaginer le pire se sont écoulées avant de trouver à mon père. Il n'était au courant de rien. J'ai alors tenter de joindre M. Il était tout bêtement chez lui. Et, l'accident était un panaris : j'ai compris qu'il me quittait. Il voulait adoucir la nouvelle, il a prétendu qu'il aurait aimé me prendre dans ses bras, m'expliquer certaines choses. Seulement il ne l'a pas fait. Égoïsme, lâcheté ou radinerie ? Tout ce qu'il a trouvé, c'est ce pretexte infantile, un ongle incarné, avec comme cuation médicale mon propre père.  J'ai raccroché. Je suis resté des heures, assise sur le lit, à fixer ce maudit téléphone. Rouge.



Texte blanc

C'était un vendredi de juillet, aux environs du 20, en 1981, l'après-midi. Dans le cimetière d'un petit village, à quarante kilomètres de Limoges. Devant moi, un cercueil dans lequel il n'y avait plus grand chose d'elle. Car elle était en bouillie, elle avait sauté du sixième étage. Nous étions quatre pour l'enterrer. Quatre qui ne se parlaient plus depuis des années. D'un côté, sa mère et moi, de l'autre, son demi-frère et son père. J'étais le seul qui pouvait dialoguer entre tous. Halluciné, bras ballants, je faisais le va-et-vient entre eux. En rentrant chez moi, j'ai marché en regardant en l'air. Je regardais les sixièmes étages. Et puis, j'ai vu mon nom écrit de sa main sur notre boîte aux lettres. Mais le pire, c'est l'arrivée de ce cercueil. Quand j'ai imaginé à l'intérieur l'amour de mes vingt ans, celle qui incarnait pour moi la beauté. La beauté en bouillie. 



Douleur exquise*, 1984-2003



En 1984, le ministère des Affaires étrangères m’a accordé une bourse d’études de trois mois au Japon. Je suis partie le 25 octobre sans savoir que cette date marquait le début d’un compte à rebours de quatre-vingt-douze jours qui allait aboutir à une rupture, banale, mais que j’ai vécue alors comme le moment le plus douloureux de ma vie. J’en ai tenu ce voyage pour responsable.

De retour en France, le 28 janvier 1985, j’ai choisi, par conjuration, de raconter ma souffrance plutôt que mon périple. En contrepartie, j’ai demandé à mes interlocuteurs, amis ou rencontres de fortune : “Quand avez-vous le plus souffert ?”

Cet échange cesserait quand j’aurais épuisé ma propre histoire à force de la raconter, ou bien relativisé ma peine face à celle des autres. La méthode a été radicale : trois mois plus tard j’étais guérie. L’exorcisme réussi, dans la crainte d’une rechute, j’ai délaissé mon projet. Pour l’exhumer quinze ans plus tard.



*Douleur exquise. MOD. MÉD. Douleur vive et nettement localisée.


- Exquisite pain, Hara Museum, Tokyo, Japan, 2019
- Dead End, Château La Coste, Le Puy-Sainte-Réparade, France, 2018
- Historias de pared, Museo de Arte Moderno de Medellín, Colombia, 2012
- Historias de pared, Banco de la República, Bogotá, Colombia, 2012
- Calle Sophie, Palais des Beaux-Arts, BOZAR, Brussels, Belgium, 2009
- "Douleur Exquise" curated by Scenography Frank Gehry and Edwin Chan at Luxembourg, European Capital of Culture Luxembourg, Luxembourg, 2007
- Exquisite Pain, Portland Art Museum, USA, 2005
- M’as-tu vue, Ludwig Forum für Internationale Kunst, Aachen, Germany, 2003
- M’as-tu vue, Martin-Gropius-Bau, Berlin, Germany, 2003
- M’as-tu vue, Centre Georges Pompidou, Paris, France, 2003
- Douleur exquise, Hara Museum of Contemporary Art, Tokyo, Japan, 1999

Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
  • Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
  • Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
  • Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_
  • Sophie_Calle_Exquisite Pain, 28 days ago_

  • inscription newsletter
  • © 2025 — galerie perrotin /
  • légal /
  • crédits
  • suivez nous