Amorcée en 2009, la série d’œuvres regroupées sous le titre générique Studies into the Past, montre de façon remarquable combien les oeuvres de Laurent Grasso sont traversées par une réflexion sur le temps. Il s’agit d’un ensemble d’œuvres — des dessins et des huiles sur panneau de bois — au style et à la facture inspirés des peintres flamands et italiens des XVe et XVIe siècles, tels que Fra Angelico, Piero della Francesca, Paolo Uccello, Andrea Mantegna et Pieter Brueghel l’Ancien. Ce chapitre de l’histoire de la peinture est toutefois troublé par la présence de corps étrangers parfaitement intégrés aux compositions.
Les références narratives caractéristiques de l’époque, qu’elles soient mythologiques ou religieuses, ont été remplacées par des phénomènes célestes dont il existe peu de représentations picturales avant le XIXe siècle 1 — éclipses, aurores boréales, météorites — ainsi que par un étrange nuage de fumée, un rocher lévitant au-dessus d’un paysage, une envolée d’oiseaux incongrue dans une forêt. L’insertion de ces éléments dans une peinture du passé ne génère pas que des effets d’anachronisme. Studies into the Past est à comprendre comme un vaste projet conceptuel visant à reconstruire l’idée que l’on se fait de la réalité à une autre époque. Conçues comme si elles appartenaient à un autre temps même si elles sont actuelles, les oeuvres sont réalisées selon des méthodes historiques reconstituées scientifiquement. En mélangeant ainsi les temps, Laurent Grasso cherche à créer ce qu’il nomme une « fausse mémoire historique », de telle sorte qu’il devienne impossible, dans un avenir lointain, de situer l’époque dans laquelle ces oeuvres auront été produites. C’est comme si l’on pouvait manipuler leur historicité, autrement dit intervenir de manière à modifier leur rapport au temps.