«Pomone était une divinité romaine, probablement d'origine Etrusque, dédiée aux fruits et aux jardins. Autant dire que le thème eut la faveur de générations de sculpteurs chargés d'orner les parcs. Le Gros ou Le Hongre en semèrent ainsi celui du château de Versailles. Mais si la Pomone classique est représentée comme le fait Richier, sous les traits d'une jeune femme plutôt robuste, la tradition la veut assise sur un panier de fruits et de fleurs, un rameau dans la main droite, quelques pommes dans la gauche, sorte d'allégorie de la fécondité. Celle de Richier est bien différente, témoignant plutôt d'une saine gourmandise en croquant à si belles dents dans son fruit de bronze que, titre oublié, on la verrait plutôt en Eve barbare. C'est que loin de puiser son motif dans une tradition classique, elle l'a plus probablement trouvé auprès de son ami le sculpteur Marino Marini, dont c'est le sujet fétiche depuis 1935. Marini vit en Suisse de 1943 à 1947 et fréquente l'atelier de Richier dont il réalise un portrait. Peu soucieuse de produire une oeuvre littéraire, Germaine a emprunté le thème et l'a appliqué à son modèle d'alors, Bouboule, parfaitement adaptée à l'idée. La divinité païenne se métamorphose ainsi en une femme robuste et fruste, l'oeil droit exorbité, et si profondément imprégnée de l'idée de nature que les proches de Germaine Richier y voient une préfiguration de l'Ouragane, de 1948.»
F. Guiter, extrait du catalogue d'exposition Germaine Richier, Rétrospective, Saint-Paul: Fondation Maeght, 1996, p. 52