3 septembre - 8 octobre 2022
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Paris
76 rue de Turenne
75003 Paris France

La galerie Perrotin a le plaisir de présenter Page Turner, la première exposition personnelle de l’artiste américaine Danielle Orchard à la galerie. À cette occasion l’artiste présente un ensemble de nouvelles peintures et de dessins au fusain.

View of Danielle Orchard's exhibition "Page Turner" at Perrotin Paris, 2022. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
View of Danielle Orchard's exhibition "Page Turner" at Perrotin Paris, 2022. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
View of Danielle Orchard's exhibition "Page Turner" at Perrotin Paris, 2022. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
View of Danielle Orchard's exhibition "Page Turner" at Perrotin Paris, 2022. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin

« Je ressens toujours le désir de chercher ce qu’il y a d’extraordinaire dans les choses ordinaires ; suggérer sans imposer, laisser toujours une petite touche de mystère dans mes peintures. » — Balthus



Danielle Orchard pourrait faire siennes ces paroles de Balthus, dont les réminiscences multiples habitent ses dernières oeuvres, où le quotidien croise l’étrangeté, le domestique côtoie l’atemporel. Si son travail convoque régulièrement l’histoire de la peinture, de Cézanne à Picasso, de Bonnard à Matisse, que ce soit à travers une référence stylistique au point de vue multiple du cubisme analytique, ou la récurrence de sujets d’un musée imaginaire – de la femme à sa toilette aux odalisques qu’elle revisite avec le regard d’une femme artiste du XXIe siècle – , les toiles réunies dans l’exposition Page Turner font écho, de manière consciente et directe, au maître des jeunes filles, des chats et d’un temps suspendu, dont l’oeuvre, nimbée d’un halo de scandale, a nourri sa formation aux beaux-arts, forgeant d’abord sa vision de la peinture en une « conversation formelle », puis alimentant son goût pour une tension narrative énigmatique et subversive.

Dans Lessons, Danielle Orchard évoque sa fascination pour le jeune modèle de Balthus, suspendue dans une rêverie solitaire et suggestive dans Thérèse rêvant (1938, Metropolitan Museum, New York), qu’elle imagine plus âgée, se livrant à un exercice pictural de transposition d’une jeune ingénue en un autre stéréotype féminin, interrogeant ainsi la place de la femme – modèle, artiste, spectatrice – dans l’histoire de la peinture. Le titre de l’oeuvre – Lessons – évoque les multiples références sédimentées et le dialogue avec les maîtres anciens : Balthus lui-même regardait du côté de Piero della Francesca ou Derain, revendiquant un héritage pour mieux inventer l’inédit de son propre univers. De même l’oeuvre Cheating at Solitaire évoque-t-elle La Partie de cartes (1948-1950) de Balthus et à travers elle Les Tricheurs du Caravage, soulignant ainsi la manière dont les personnages de Danielle Orchard évoluent au sein d’un « espace de mémoire », où se croisent également les différentes catégories de la peinture, de la scène de genre à la nature morte, en passant par le nu.

Vue de Danielle Orchard dans son studio. Photo: Guillaume Ziccarelli. Courtesy Perrotin

Un nu, omniprésent et décalé, atemporel et abstrait, alors même qu’il apparaît dans la familiarité de scènes du quotidien. Ces nudités, insolites et singulières, explorent la représentation du corps féminin à travers des activités qui, pour être domestiques, n’en acquièrent pas moins le statut de « cérémonies » intimes ou de rituels ordinaires, comme en témoigne Women’s Work : l’artiste, qui aime jouer sur les déplacements, tordre le réel et détourner le contexte, y représente une femme nue, à la présence hiératique et monumentale, en train de suspendre son linge dans un jardin. Les tonalités bleutées, la géométrie de la construction, la transparence fantomatique des vêtements, la forme ogivale de l’ouverture dans laquelle s’inscrit, à l’arrière-plan, une autre silhouette féminine, confèrent à l’oeuvre un caractère allégorique et sacré.

De par l’omniprésence de la nudité et la récurrence des scènes d’une intimité féminine, l’artiste fait ressurgir la question du voyeurisme dans l’histoire de la peinture, soulevée par l’iconographie classique de Diane au bain ou Suzanne et les vieillards, mises en scène d’un regard interdit. Dans une oeuvre aux accents orientalistes, Yellow Bathroom, trois silhouettes sont surprises dans l’intimité d’une salle de bain et dans la simple banalité de gestes quotidiens, ici transcendés par une lumière solaire. Jouant sur l’imbrication de l’espace et du temps, l’artiste suscite un doute : s’agit-il de trois femmes se livrant à différents gestes de la toilette, ou d’une seule femme représentée – à la manière d’un storyboard – à trois moments de sa routine quotidienne ?

Danielle Orchard, Rear Windows (detail), 2022, Oil on linen, 165.1 x 208.3 cm | 65 x 82 inch. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin

Si les références picturales sont constitutives de l’oeuvre de Danielle Orchard, les allusions cinématographiques y apparaissent aussi ponctuellement, notamment l’évocation de classiques hitchcockiens comme Fenêtre sur cour qui donne son titre à la toile Rear Windows : il y est encore question du regard et de la position du regardeur, entre la scène du premier plan et celle de l’arrière-plan qui se répondent sans hiérarchie, créant une narrativité et une tension cinématographiques. C’est encore le souvenir d’Hitchcock qui semble convoqué dans Shaving, où le filet écarlate qui dessine une spirale autour des pieds du modèle rappelle la scène de la douche dans Psychose, tout en évoquant non pas la violence d’un meurtre mais celle, plus diffuse, du petit drame ordinaire du sang menstruel ou, comme le suggère le titre, la légère coupure d’un rasoir. De manière plus générale, les gros plans dans l’oeuvre de Danielle Orchard ont, en soi, quelque chose de cinématographique : Lint rend compte d’une manière – indiscrète – de s’approcher du sujet, d’entrer dans une intimité, de saisir un instant dans le continuum d’une action. L’échelle de la toile induit ici une vision parcellaire du corps, dans ce processus créatif de l’artiste qui laisse une place au hasard et à l’accident dans chacune de ses oeuvres.

"La nudité est destinée à évoquer un sentiment d'intemporalité. Ces figures ne sont rattachées à aucune époque. Cette liberté - ou peut-être que suspension est un meilleur mot - est liée à mon intérêt pour la sculpture figurative."

— Interview by Sasha Bogojev in Juxtapoz

Cette mise en avant dynamique du « work in progress » apparaît dans les nombreuses oeuvres qui ont pour sujet le lieu où la peinture advient, de l’académie à l’atelier. Jouant sur un subtil équilibre de sources de lumière et de contrastes de tonalités colorées, Balance met en scène une classe de nu d’après modèle vivant, un moment classique de la formation de l’artiste, que Danielle Orchard a bien connu, à la fois comme étudiante des beaux-arts et modèle dans le même cours, alternant les rôles, entre regardeur et regardée, dessinant et dessinée. Elle raconte comment, alors, elle « se projetait elle-même dans la position de ceux qui la dessinaient ». Cette expérience des corps à travers le dessin est restée essentielle dans sa pratique si l’on en croit les nombreux fusains qu’elle réalise, qui, bien loin d’être des esquisses pour de futures peintures, constitue une création per se. Scène d’atelier encore avec Three Ghosts qui évoque la solitude du travail de l’artiste, entourée de la présenceabsence de trois de ses amis artistes, évoqués par les trois chevalets, flottant comme autant de voix du passé qui habitent l’atelier, telles une présence fantomatique dans un temps suspendu. Alors que sur son propre chevalet, la lumière dessine les contours d’un autoportrait en une ombre projetée qui rappelle le mythe de l’origine de la peinture racontée par Pline l’Ancien, soulignant combien le sujet de l’oeuvre de Danielle Orchard n’est autre, finalement, que la peinture elle-même.

En effet, qu’elle peigne des femmes, des scènes de genre, des natures mortes ou des intérieurs, c’est avant tout la peinture que peint l’artiste, dans une tentative toujours renouvelée de cerner la manière dont « l’image façonne qui nous sommes ». Sa manière d’interroger les sujets et les genres de la peinture, la façon dont elle fait de ses toiles un lieu d’exploration, sont bien le signe que, pour Danielle Orchard, « la peinture n’est pas faite pour trouver des réponses mais pour poser des questions ». Des questions qui sont autant d’occasions de poursuivre sa conversation ininterrompue avec l’histoire de l’art et de créer les conditions d’un dialogue inédit avec le regardeur.

View of Danielle Orchard's exhibition "Page Turner" at Perrotin Paris, 2022. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist and Perrotin
Danielle ORCHARD

Née en 1985 à Michigan City, IN, USA
Habite et travaille à Pelham, MA, USA

Évoquant les grands peintres de l'ère moderne, notamment Picasso et Matisse, les tableaux de Danielle Orchard font souvent référence à leurs styles et à leurs sujets en représentant des nus féminins de façon plus abstraite ; les figures sont représentées dans un style cubiste analytique à perspectives multiples ou résumées par des contours solides et des couleurs saturées. En abordant l’image plan par plan, ou en sculptant chaque partie abstraite avec d'épais empâtements, Orchard explore la représentation du corps féminin. Alors que le nu féminin est profondément ancré dans l'histoire de l'art en tant que muse et, plus récemment, de sujet d'étude, Orchard l’amplifie en y insufflant ses propres expériences d’artiste femme ayant été formée, modèle et même enseignante dans des cours de dessin d'après nature.


Des tropes de l'histoire de l'art aux activités de loisirs contemporaines, le spectateur peut s'attendre à trouver des récits et des scènes familières dans l’œuvre d’Orchard. En utilisant des motifs courants, Orchard évite aux spectateurs d'avoir à deviner le sujet et dirige plutôt leur attention sur son mode d'expression. Avec des arrière-plans ou des objets qui font écho au langage corporel des femmes, représenté par un registre émotionnel restreint, l'artiste invite le spectateur à faire preuve d'empathie et à contempler l'intériorité des modèles.



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