Alors que Johan Creten s’épuise dans l’ivresse du travail accompagné des artisans locaux de Monterrey (Mexique), il tombe malade, fragilisé. De son lit, il regarde par la fenêtre les dattiers et leurs grappes à la chaire sombre. Fruits et ganglions infectés se mélangent dans son imaginaire, il voit un corps recouvert par ces excroissances. Il réalise, sur une période de dix ans, plusieurs versions de cette vision hallucinée en terre cuite émaillée et en bronze.
'À travailler comme un fou, Johan Creten s'épuise, se fragilise, tombe malade. Il lui faut se reposer, guetter la paix. Impérieusement. Du lit qui lui sert de brancard, il regarde par la fenêtre les dattiers et leurs fruits noirs, juteux. Il les observe comme il observe les ganglions qui contaminent alors sa peau et balafrent sa quiétude. Dattes et abcès se ressemblent tellement que le Flamand en vient à confondre ces corps étrangers. De cette vision hallucinée, rongée par la fièvre, le sculpteur titre une oeuvre diaphrée - Why does Strange Fruit always look so sweet? - dont il réalise trois versions différentes, en terre cuite émaillée. L'une d'elles destinée à une exposition au Bass Museum in Art, en 2001, sera bientôt agrandie, en plâtre coloré, grâce à l'aide d'un ancien assistant de Niki de Saint-Phalle, puis traduite en bronze, des années plus tard. Née d'une poussée de fièvre, d'un cauchemar, d'un délire, la sculpture enfantée par la langue des monstres, ceux qui sortent de sous les lits, de derrière les rideaux, de tous les crânes.' - "Les Lésions de la Beauté", Colin Lemoine, extrait de “Strange Fruit”.