"La Spirale a été réalisée en terre. De cette oeuvre en terre, Germaine Richier a fait exécuter le plâtre original. De ce dernier, sont tirées les épreuves en bronze du tirage original. La Spirale est un agrandissement de la Vrille (111,5 cm), issue d'un coquillage retravaillé par l'artiste. Germaine Richier a sans doute été fascinée par la plastique, le modelé, l'enroulé du coquillage autour de son point fixe, sur lequel elle a transposé tout le réseau de ses architectures de lignes de construction, ses verticales, ses horizontales, qui partent elles aussi d'un point fixe. La Vrille a été réalisée au moment où elle préparait son exposition au Musée d'Art Moderne en 1956. Elle y sera présentée au milieu de ses oeuvres "comme son fils à plomb", m'avait-elle dit. La Spirale rompt avec les proportions des oeuvres de Germaine Richier, qui lui sont propres, l'ensemble de ses sculptures ne dépasse pas un certain seuil. Proportions fascinantes qui, placées dans un espace grand ou petit, gardent toujours leur échelle humaine avec leur vie, leur intimité, leur présence humaine. Dans un petit espace, elles ne sont pas trop grandes, dans un grand espace, elles ne sont pas trop petites. Après les années 60, tout comme Calder, Picasso, Mirò, des sculptures géantes auraient pu naître chez Germaine Richier, la Spirale (2,88 m) l'annonçait peut-être. Cela aurait pu se faire, entre autres, avec la série des Claires-voies." Françoise Guiter
«Le mouvement de vrille, ou de spirale, est ancien dans l'oeuvre de Richier. Il était déjà présent dans L'Epi, et Le Grain, de 1955, et plus encore dans La Jeune fille à l'oiseau, sculptée en 1954. La tête de la Spirale ressemble à une de ces mèches en forme de fraise qui servent en sculpture à percer les matériaux durs. Le même type d'outil, en hélice, était également évoqué, toujours en 1956, dans un petit bronze de la série des "Claire voie" où Richier retrouvait le côté acéré et tranchant des "Guerriers" de 1953. Claire voie n°1 était cependant plus proche du scalpel, ou d'un outil de sculpteur comme l'ébauchoir, la mirette, la spatule ou le rifloir, que du triangle des baïonnettes. Mais il est significatif que Richier reprenne en cette même année 1956 une nouvelle fournée de ses étranges et inquiétantes petites bêtes de combat, sous le même titre générique de "Guerrier". Claire voie tient pourtant plus de la danseuse que du soldat. Elle n’en est pas moins redoutable, avec le mouvement tournoyant de sa robe de bronze qui s’achève par la lame coupante lui tenant lieu de tête, simple feuille pliée et torsadée, rompue au niveau du torse par la puissance de la traction, agrafée à la hauteur des hanches. La Spirale participe de la même veine. On aurait donc tort de n’y voir qu’une version agrandie de la Vrille. Richier elle-même tenait à marquer les limites de cette facilité accordée aux sculpteurs: "un agrandissement est une chose très délicate, qui ne doit pas dépasser un certain seuil et, très souvent, il faut procéder par plusieurs étapes avant d’en réaliser un grand à partir d’une petite œuvre". »
F. Guiter, extrait du catalogue d’exposition Germaine Richier, Rétrospective, Saint-Paul : Fondation Maeght, 1996, p.178